
« On ne me dira pas quand je dois partir » : Antoine de Caunes brise le tabou de la mort choisie
À 71 ans, Antoine de Caunes assume pleinement son choix face à la fin de vie. Athée convaincu, il refuse de subir la dégradation liée à la maladie et souhaite partir dignement, quand il l’aura décidé. Un choix intime que d’autres personnalités avant lui avaient également revendiqué.
L’humanité entretient un rapport ambivalent avec la mort. Entre fascination, crainte et résignation, l’homme tente de donner un sens à la finitude de son existence. Certains y trouvent une forme de délivrance, d’autres une injustice cruelle. Parfois, elle devient un acte de conscience, un choix intime. Ces derniers jours, le débat sur la fin de vie a ressurgi dans l’espace public, dans un contexte particulièrement symbolique.
À l’heure où Thierry Ardisson est décédé après un long combat contre la maladie, c’est un autre visage bien connu du grand public — Antoine de Caunes, 71 ans — qui est venu se confier sans détour dans les colonnes du magazine Voici, livrant une réflexion profonde sur la fin de vie.

Antoine de Caunes assiste au tapis rouge de « Vie Privée » lors du 78e Festival de Cannes au Palais des Festivals, le 20 mai 2025 à Cannes, en France I Source : Getty Images
Dans une interview parue dans le numéro du vendredi 18 juillet 2025, il a affirmé — avec la lucidité qui le caractérise — avoir tout prévu pour le jour où il jugera sa vie accomplie. « On ne peut pas devenir victime de sa propre existence ni un fardeau pour ceux qu’on aime », a-t-il déclaré avec sérénité.
Loin du sensationnalisme, Antoine de Caunes a revendiqué son droit de partir la tête haute, entouré d’amour, sans peur ni souffrance. Un message qui résonne alors que la France débat encore de la légalisation de l’aide à mourir.
Une loi encore en attente d’application
Le texte a, rappelons-le, été adopté par l’Assemblée nationale le 27 mai 2025. Une réforme sensible qui divise. Les opinions restent en effet partagées sur la légitimité d’autoriser l’assistance au suicide ou l’euthanasie pour les personnes souffrant de maladies incurables.

Antoine de Caunes assiste au dîner des nominés aux César 2025 au Fouquet's Barrière, avenue des Champs-Élysées, le 10 février 2025 à Paris, en France I Source : Getty Images
Mais avant de pouvoir entrer en application, cette loi devra encore franchir l’étape du Sénat à l’automne, puis revenir devant l’Assemblée nationale pour une seconde lecture. Dans sa version actuelle, le texte réserve l’accès à l’aide à mourir aux personnes répondant à cinq conditions cumulatives : être âgé d’au moins 18 ans, posséder la nationalité française ou résider sur le territoire national, être en mesure d’exprimer sa volonté de manière « libre et éclairée », être atteint d’une maladie grave et incurable mettant en jeu le pronostic vital à un stade avancé ou terminal, et enfin, souffrir de douleurs physiques ou psychologiques jugées « réfractaires ou insupportables ».
En effet, pour les patients atteints de maladies incurables, le quotidien devient souvent un combat contre la douleur, la perte d’autonomie et la dégradation progressive du corps.
Lorsqu’aucun traitement ne permet plus d’améliorer leur état ou de soulager leurs souffrances, certains expriment le souhait de pouvoir choisir le moment et les conditions de leur départ. L’objectif de l’aide à mourir étant, tel qu’il est défendu par ses partisans, d’offrir une réponse à ces situations extrêmes, en permettant à ces malades de mettre fin à leur vie de manière digne, sans prolonger inutilement une agonie jugée insupportable.

Le présentateur de télévision Antoine de Caunes arrive aux Laureus World Sport Awards 2023 à la Cour Vendôme, le 8 mai 2023 à Paris, en France I Source : Getty Images
Ces figures célèbres qui ont revendiqué le droit de mourir
Certaines célébrités ont d’ailleurs eu recours à l’aide à mourir dans des pays où la procédure est autorisée et tout à fait légale. On en citera notamment Alain Cocq. Il n’avait que 23 ans quand il a vu sa vie basculer. Le médecin lui avait alors diagnostiqué une maladie extrêmement rare, lui prédisant à peine deux semaines à vivre. Pourtant, il a défié les pronostics, prolongeant son existence de 34 ans supplémentaires.
Fervent militant des droits des personnes handicapées et de l’aide à mourir, il a sillonné la France en fauteuil roulant pour faire entendre sa cause. Mais à partir de 2008, sa santé s’est lourdement détériorée. Souffrant de douleurs insoutenables, il est resté cloué au lit, sans perspective.
Dans un ultime geste, il avait sollicité Emmanuel Macron, espérant obtenir l’autorisation, pour raisons humanitaires, de recevoir un médicament lui permettant de mourir sereinement. Le président lui refusa cette demande, rappelant qu’il devait respecter le cadre légal. Face à ce refus, Alain Cocq décida alors de stopper toute prise de nourriture et de traitements, annonçant son intention de documenter publiquement ses derniers instants sur les réseaux sociaux.

Alain Cocq, atteint d'une maladie rare du sang, repose sur son lit médicalisé le 12 août 2020 dans son appartement de Dijon, dans le nord-est de la France I Source : Getty Images
Alain Cocq avait, effectivement, médiatisé son combat avant de mourir en Suisse en 2021 grâce à l’aide au suicide assisté.
La romancière française Anne Bert avait, elle aussi, choisi de mettre fin à ses jours en 2017, selon sa propre volonté, par euthanasie en Belgique. Elle avait 59 ans et souffrait de sclérose latérale amyotrophique (la maladie de Charcot) ; une maladie neurodégénérative rare et incurable qui affecte progressivement les neurones moteurs, entraînant une paralysie progressive des muscles. À mesure que la maladie évolue, les patients perdent l’usage de leurs membres, la capacité de parler, de manger, puis de respirer, ce qui conduit inévitablement au décès, souvent en quelques années après le diagnostic.
Anne Bert a, notons-le, avait détaillé son combat et expliqué son choix dans son dernier ouvrage intitulé Le tout dernier été. « Je viens de rencontrer mes passeurs. Ces hommes qui font désormais partie de ma vie puisqu’ils vont m’aider à la quitter. Je les ai sentis rigoureux, exigeants, prudents. Et engagés à me tendre doucement la main. Une autre médecine qui, quand elle ne peut plus soigner le corps, se décide à soigner l’âme », avait-elle écrit.
« On ne me dira pas quand je dois partir »
Pour Antoine de Caunes, il ne saurait être question de subir un corps qui souffre ou une existence dégradée. Il se dit prêt à quitter la vie avant qu’elle ne le quitte. Une conviction forgée par un rapport assumé à l’athéisme : « Le débat avec la religion ne me concerne pas, je suis athée. Personne ne m’a dit quand je devais arriver, on ne me dira pas quand je dois partir. Je trouve très sain de pouvoir décider. »
Une vision résolue de la liberté, ancrée aussi dans son histoire personnelle. L’homme de média se souvient notamment d’une promesse faite à sa propre mère, celle de la débrancher si elle venait à tomber dans un état végétatif.
Aujourd’hui, il a pris soin de partager ces convictions avec ses proches, notamment ses trois enfants, même s’il espère, comme il le précise lui-même, que ce moment arrive « le plus tard possible ».

Antoine de Caunes arrive sur le tapis rouge des Laureus World Sport Awards 2023 à la Cour Vendôme, le 8 mai 2023 à Paris, en France I Source : Getty Images
Bien qu’en bonne santé, Antoine de Caunes semble avoir fait le choix de l’anticipation et du courage, dans une société où la mort reste encore un tabou pesant.